Plutôt que de définir notre pratique, nous tenterons de décrire comment nos productions se définissent d’elles mêmes et comment nous nous soumettons à elles.

Les oeuvres que nous produisons sont de nature aléatoire puisque les supports et leurs possibilités formelles sont définis par l’idée. En ce sens un des dénominateurs communs de notre pratique est la rigueur que nous nous imposons dans la subordination à l’idée, laquelle fait autorité sur tout le processus de production, d’accrochage et de diffusion.

L’oeuvre est aussi le support d’un récit, l’idée, qui raconte l’histoire de sa propre genèse, de sa place dans l’espace, de sa constitution matérielle, de son rôle face à l’observateur. Ce récit est à la fois un protocole de matérialisation précis et concret, et parallèlement est l’histoire de «l’autre». L’altérité est un large champ d’observation et d’expérimentation qui s’inscrit dans plusieurs de nos protocoles. Le principe «d’alterner» sa propre perception par celle de l’autre s’applique à la découverte d’une ample gamme d’images de l’autre. Ce principe s’inscrit dans la conception de l’idée qui donnera la structure au récit, au mode de production à suivre scrupuleusement. Ceci se traduit par l’utilisation de poussière d’immigrants, d’électricité statique entre deux amants, de drapeaux métis. Etc.

Ce qui définit également nos procédures est un besoin de simplification. Tenter de ne donner que l’essentiel pour la compréhension du projet, sans la moindre gratuité ou interprétation. En ce sens nous exploitons les caractéristiques physiques, fonctionnelles et sémantiques des matériaux ; nous les centrifugeons pour en extraire l’essence qui crée du sens aux récits de conception. Nous explorons ainsi les limites de l’objet dans leur temporalité, dans leur contexte et dans leur relation à l’autre.

Amélie Weirich et Federico Fierro nés respectivement à Nice en 1980 et en Colombie en 1979 ont commencé leurs études universitaires à Paris et à Bogota pour se rencontrer ultérieurement en 2005. Après plusieurs colaborations ponctuelles, ils consolident leur travail commun depuis 2010.

 

Amélie Mathieu. Communiqué de presse, Festival 12 x 12, Le Cent, Paris. (2012) – Extrait

Cette œuvre propose au spectateur une expérience visuelle de concepts complexes : les relations humaines, d’abord englobées et simplifiées dans le traitement statistique, retrouvent par le biais de leur traitement plastique une dimension poétique indéniable. En observant ces objets, constitués d’étincelles et hérissements, l’on se demande sans cesse ce qui relève de la représentation scientifique, reproductible et implacable, et ce qui relève de l’accident, du hasard, de ce qui, en somme, constitue relations humaines.

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Aude de Bourbon Parme, Huit artistes émergents, Slicker n°5, janvier 2013 – Extrait

Deux individualités se sont rencontrées, lui cherchant à s’émanciper de la technicité et du formalisme par la légèreté, elle produisant des œuvres fragiles sur et à partir de son corps et du langage. Lui partait de la matière, elle du concept. Tout deux se sont retrouvés autour du thème de l’être et de son rapport à l’autre, dans le couple comme dans la vie, et avec ce même besoin de simplification pour atteindre l’essentiel. Car pourquoi produire encore de nouvelles images dans un monde qui en est saturé ? Contre l’esthétisation du banal qui enlève toute poésie, contre l’ornementation, sans rentrer dans la recherche sociologique ou politique, ils utilisent les symboles du réel qu’ils détournent.

Leurs œuvres partent d’un protocole qui part lui même d’une anecdote personnelle – quelle serait la relation la plus minimale entre deux êtres, comment parler de l’immigration ou encore du fantasme et des canons de beauté – pour aboutir à une forme qui aborde le collectif et sa relation conflictuelle avec le particulier. Ils filment l’électricité statique produite par leurs corps se rapprochant, échangeant ainsi des particules. Ils mélangent les couleurs du drapeau français pour parler de mixité, enlevant ainsi au drapeau ses délimitations franches et sa violence, pour finir par l’adoucir. Ils s’impliquent toujours physiquement, comme si produire une œuvre devait passer par le labeur, la douleur, la répétition de certains gestes. Ils frottent des magazines féminins pour les femmes noires pour en effacer la couleur.

Leurs œuvres aux lectures multiples, « parce que la réalité n’est jamais univoque » précisent-ils, sont le produit de la rencontre fortuite entre deux êtres à la sensibilité et aux points de vues souvent divergents. Mais c’est cette divergence qui leur permet d’aller toujours plus loin, d’éliminer tous ces détails et de produire une œuvre protéiforme.

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Dominique Abensour. Catalogue de la biennale d’art contemporain de Bourges « Le Panorama de la Jeune Création » (2012) – Extrait

La réalité au quotidien est largement investie. À l’exploration des terres lointaines, les artistes préfèrent manifestement l’expérience des espaces de proximité qu’ils soient communs et familiers ou écartés et délaissés. Ils les parcourent, les arpentent et les habitent (…) Est-ce à dire que la sculpture et l’objet échappent à l’équivoque et à l’ambiguïté ? Le poids de leur matérialité les rend-il plus francs et plus fiables ? Porteurs d’images que les artistes absorbent au quotidien mais avec lesquelles ils prennent leur distance (…) métaphoriques et symboliques (Amélie Weirich & Federico Fierro). À travers ces pratiques, les artistes donnent forme à une interrogation, impérieuse et insistante dans ce Panorama, sur les modalités de la construction du sens et sur nos modes d’appréhension des choses.